Chaque année en Europe, la maladie thromboembolique veineuse tue plus de un demi million de personnes.
Les antithrombotiques ont considérablement allongé l’espérance de vie de ces patients, néanmoins, leur utilisation nécessite quelques précautions à connaître…
Généralités sur la coagulation
La maladie thromboembolique veineuse | SelectAfficher> |
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« Tous droits réservés CHC de Liège. « La maladie thromboembolique veineuse est un problème majeur de santé publique. Les évènements thrombotiques sont extrêmement fréquents et l’embolie pulmonaire est la 3ème cause de mortalité cardiovasculaire dans le monde, après l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux (AVC). L’embolie pulmonaire est une complication gravissime des thromboses veineuses profondes (TVP). L’incidence de la TVP augmente avec l’âge pour dépasser 1% au delà de 75 ans.
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Comment une thrombose se forme-t-elle? | SelectAfficher> | ||||
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Trois facteurs jouent un rôle essentiel dans la genèse d’une thrombose veineuse:
Le conseil du pharmacien
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L'agrégation plaquettaire | SelectAfficher> |
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A l’état normal les plaquettes circulent librement dans la circulation sanguine sans adhérer à l’endothélium vasculaire sain. En cas de lésion vasculaire, la mise à nu du sous-endothélium fait libérer le facteur Von Willebrand qui se colle au sous-endothélium. les plaquettes se collent à la lésion via ce facteur. L’acide arachidonique des membranes plaquettaires est alors mobilisé pour la synthèse de la thromboxane A2 (vasoconstrictrice et proagrégante plaquettaire). L’adhésion des plaquettes entre elles est orchestrée par les glycoprotéines plaquettaires spécifiques:
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Les médicaments antithrombotiques, règles de bon usage et suivi de traitement
Les anti thrombotiques | SelectAfficher> | ||
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Les anti thrombotiques sont représentés par 2 classes de médicaments:
Les antiagrégants plaquettaires sont préférentiellement utilisés en prévention de la thrombose artérielle et les anti coagulants dans celle des thromboses veineuses (traitement et prévention des récidives). Antiagrégants et anti coagulants peuvent éventuellement être associés. La prise en charge thérapeutique comprend actuellement une héparine de bas poids moléculaire à une dose adaptée au poids, sous surveillance de la numération des plaquettes, associée à une compression veineuse. Un relai par anti vitamine K peut être commencé la 24ème heure, avec un chevauchement minimal de 5 jours; l’arrêt de l’héparine est réalisé quand l’INR est compris entre 2 et 3. Le risque iatrogène le plus important des anti thrombotiques est représenté par le risque hémorragique. Les héparines exposent à un risque de thrombopénie, en général d’autant plus à redouter qu’elle est tardive. Si l’évolution de l’épisode aigu est favorable dans la majorité des cas, il faut maintenir une anti coagulation efficace durant plusieurs mois (6 mois par exemple) fonction de l’existence de circonstances favorisantes (cancer actif) et sur des visites de contrôle.
Recommandations de la haute autorité de santéEn prévention primaireEn prévention primaire, une inhibition plaquettaire au long cours par aspirine seule (75-160 mg/j) est recommandée lorsque le risque cardio-vasculaire est élevé. En prévention secondaireEn prévention secondaire, l’inhibition plaquettaire est recommandée :
Les nouveaux anti thrombotiquesActifs par voie orale (antithrombine directe et anti-Xa), ce sont des produits agissant rapidement, plus simples d’emploi et au moins aussi efficaces que les héparines de bas poids moléculaire de référence. Recommandation en cas de chirurgieSous réserve de l’analyse bénéfice/risque,
En cas de nécessité de chirurgie pour un patient porteur d’un stent, lorsque celle-ci peut être différée, il conviendra de fixer une date opératoire au moins 4 semaines après la pose du stent en cas de stent nu, et d’au moins 6 mois en cas de stent actif, délai permettant d’interrompre la double inhibition plaquettaire. Si, néanmoins, une intervention urgente est requise, elle est le plus souvent réalisée sous bithérapie.
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Les antiagrégants plaquettaires | SelectAfficher> | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Les antiagrégants plaquettaires sont utilisés par voie orale, à moyen ou au long cours, en prévention secondaire chez les patients ayant eu une maladie athérothrombotique, en prévention primaire chez les patients à haut risque (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, diabète), ainsi que certains syndromes myeloprolifératifs, comme la maladie de Vaquez ou la thrombocytémie essentielle.
Dans certaines indications (syndrome coronarien aigu, angioplastie, pose d’un stent), on peut avoir recours à une association d’antiagrégants de mécanismes complémentaires, comme l’aspirine et le clopidogrel. Aspirine ou acide acétylsalicylique (Kargégic®, Aspegic®)L’Aspirine à faible dose inhibe irréversiblement la cyclo-oxygénase plaquettaire entraînant une suppression de la synthèse de la thromboxane A2. Contre-indications absolues: ulcère gastroduodénal en évolution, hypersensibilité aux salicylés, toute maladie hémorragique, traitement par le méthotrexate> 15mg/semaine. Clopidogrel (Plavix®)Le Clopidogrel est un antiagrégant plaquettaire appartenant à la classe des thiénopyridines. C’est un antagoniste irréversible des récepteurs plaquettaires de l’ADP. Le complexe GP IIb-IIIa reste inactif et le clopidogrel s’oppose donc à l’agrégation plaquettaire On observe chez certains patients (9 à 13%) une résistance au clopidogrel. Elle est probablement liée à son métabolisme complexe qui transforme la drogue en 85 % de métabolites inactifs. Interaction médicamenteuse avec les inhibiteurs de la pompe à protons dont l’association doit être évitée, sauf en cas de nécessité absolue (diminution de l’efficacité du clopidogrel) Cyclopentyl-triazolo-pyrimidines: Prasugrel (Efient®) Ticagrélor (Brilique®)Ces molécules sont des thiénopyridines (comme le clopidogrel et la ticlopidine). Elles possèdent donc le même mécanisme d’action que le Plavix®. Comparé au clopidogrel, avec ces molécules, le pic sanguin est obtenu rapidement et le taux sanguin est stable. Ces propriétés induisent une inhibition plaquettaire précoce, élevée et homogène. Indication: réservé aux patients nécessitant une intervention coronaire percutanée primaire ou retardée ou en association avec l’acide acétylsalicylique chez les patients ayant un syndrome coronaire aigu (angor instable, infarctus du myocarde…) Précautions d’emploi: avaler le comprimé toujours au même moment de la journée. Ne pas couper ni écraser le comprimé. Effets indésirables: saignements plus fréquents qu’avec le clopidogrel, augmentés par la coprescription d’anticoagulants, d’AINS… Contre indications: Hypersensibilité à l’un des constituants, saignements pathologiques, antécédents d’hémorragie intra-crânienne, association prasugrel, ticagrélor Flurbiprofène (Cebutid®)Le Flurbiprofène est un AINS inhibant la synthèse des prostaglandines et des fonctions plaquettaires. Il est prescrit plus rarement dans la prévention secondaire des suites d’infarctus du myocarde. Son action antiagrégante est réversible en 24 heures. Dipyridamole (Cléridium®, Persantine®)Le Dipyridamole est indiqué dans la prévention d’accidents thromboemboliques chez les patients porteurs de prothèse valvulaire. Le dipyridamole inhiberait directement l’agrégation plaquettaire en bloquant les phosphodiestérases cycliques, sans modification du temps de saignement (aucun effet sur la cyclo-oxygénase plaquettaire). Il possède en plus des propriétés vasodilatatrices coronariennes. Effets indésirables surtout en début de traitement: nausées, vomissements, maux de tête, vertiges. Ticlopidine (Ticlid®)La Ticlopidine a largement supplantée aujourd’hui par le clopidogrel. Elle inhibe la liaison ADP-dépendante du fibrinogène à la membrane plaquettaire. Voie parentérale abciximab (Réopro®), eptifibatide (Intégrilin®), tirofiban (Agrastat®).Ils sont dotés d’un puissant effet anti thrombotiques et réservés à l’usage hospitalier dans des indications très spécifiques (phases aigues des syndromes ischémiques artériels, angioplastie, pose de stent). Ce sont des antagonistes de la glycoprotéine de la membrane plaquettaire IIb/IIIa. Le retour à la coagulation normale a lieu entre 6 à 12 heures
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Les anticoagulants | SelectAfficher> | ||||||
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Les anticoagulants sont plus efficaces que les antiagrégants plaquettaires sur la thrombose veineuse (75 à 90% contre 30% pour les antiagrégants plaquettaires). Cependant, les antiagrégants peuvent être utilisés en cas de contre indication formelle aux anticoagulants Les différentes familles d’anticoagulants> Inhibiteurs indirects de la thrombine > Inhibiteurs directs de la thrombine > Les anti Xa > Les antivitamines K Inhibiteurs indirects de la thrombine. Inhibiteurs indirects de la thrombine et du facteur Xa en activant d’un facteur 1000 environ l’antithrombine III
Posologie:Les héparines sont employées dans la prévention et le traitement des accidents thromboemboliques veineux et artériels. Traitement préventif: 2OOOUI/jour (risque moyen) 4000UI/jour (risque élevé). Traitement curatif 100UI/kgX2/24h puis selon l’activité anti-Xa. Contre indications:Les héparines de bas poids moléculaire sont contre-indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère. Le risque de thrombopénie est précoce et survient le plus souvent avant le 5è jour. Elle est souvent bénigne ou modérée et ne nécessite pas l’arrêt du traitement. En revanche, une thrombopénie tardive (au delà de 5 jours de traitement) est souvent profonde et sévère, imposant l’arrêt de l’héparinothérapie.
Inhibiteurs directs de la thrombine.Voie parentérale: Lépirudine (REFLUDAN®); Désirudine (REVASC®) Bivalirudine (ANGIOX®). Voie orale = nouveaux anticoagulants ou NACO dabigatran (PRADAXA®)Inhibiteurs directs, compétitifs et réversibles de la thrombine La seule indication des inhibiteurs directs de la thrombine concerne la prévention primaire des évènements thromboemboliques veineux chez l’adulte ayant bénéficié d’une chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou. Précautions d’emploi: ne pas ouvrir les gélules de dabigatran, risque d’augmenter le risque de saignement. Contre-indication: présence de saignements évolutifs cliniquement significatifs, altération de l’hémostase et insuffisance rénale sévère. Interactions avec la ciclosporine, l’itraconazole, le kétoconazole et le tacrolimus; interaction avec les inducteurs et les inhibiteurs de la P-glycoprotéine, en particulier la quinidine qui en font une association contre indiquée. Son intérêt par rapport au Lovenox®: prise orale (pas d’injection) et absence de suivi biologique spécifique.
Anti XaVoie parentérale: fondaparinux (Arixtra®). Voie orale = nouveaux anticoagulants ou NACO rivaroxaban (Xarelto®) , apixaban (Eliquis®), edoxaban, …Indication du dabigatran et du rivaroxaban: prévention primaire des évènements thromboemboliques veineux chez l’adulte ayant bénéficié d’une chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou. Pradaxa 110 mg, Xarelto 10 mg et Eliquis 2,5 mg sont indiqués dans la prévention des évènements thrombo-emboliques veineux en chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou chez les adultes. Xarelto 15 mg et Xarelto 20 mg sont indiqués dans le traitement des TVP et prévention des récidives suite à une TVP aiguë. Large fenêtre thérapeutique, forte biodisponibilité et demi-vie courte. Pas d’adaptation de posologie chez l’insuffisant rénal, ni en fonction du poids. Précautions d’emploi: prudence avec les médicaments modifiant l’hémostase (AINS, aspirine) et avec les inducteurs du CYP3A4. Prendre de préférence les comprimés de rivaroxaban loin des repas, indifféremment pour l’apixaban. En cas d’oubli, prendre le comprimé oublié immédiatement et poursuivre son traitement quotidien normalement, mais ne pas doubler la dose pour compenser le comprimé oublié On peut vérifier l’activité du traitement en dosant l’activité antiXa.
Anti vitamine K
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Ce qu’il faut savoir sur les anticoagulants
Contre indications des anticoagulants | SelectAfficher> |
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Effets indésirables des anticoagulants | SelectAfficher> | ||
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Risque hémorragique ou anémique => surveillance étroite pendant toute la durée du traitement. Toute hémorragie doit faire rechercher un éventuel surdosage et doit inciter à consulter immédiatement (saignement de nez, des gencives ou hémorragie conjonctivale oculaire, présence de sang dans les urines, règles anormalement abondantes, présence de sang rouge dans les selles ou selles noires et poisseuses comme du goudron, vomissements ou crachats sanglants, saignements qui ne s’arrêtent pas). Certains saignements passent inaperçus et se manifestent par une fatigue inhabituelle, un essoufflement anormal, une pâleur inhabituelle, mal de tête ne cédant pas au traitement, malaise inexpliqué.
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Interactions médicamenteuses avec les anticoagulants | SelectAfficher> | ||
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Anti thrombotiques et insuffisance rénale | SelectAfficher> |
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Les héparines de bas poids moléculaire, ainsi que le fondaparinux sont contre indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère pour leurs indications curatives. L’anticoagulant de choix reste l’héparine non fractionnée Il faut adapter les posologies du dabigatran et du rivaroxaban en fonction de l’insuffisance rénale
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Conseils sur les anticoagulants
Relai AVK et nouveaux anticoagulants (Naco) | SelectAfficher> |
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Relai AVK vers Naco: arrêter l’AVK, puis réintroduire le Naco quand l’INR devient inférieur à 2 pour le dabigatran et apixaban et en dessous de 3 pour rivaroxaban Relai Naco vers AVK: introduire l’AVK à la posologie initiale standard avant l’arrêt de l’anticoagulant qui est fonction de la clairance de la créatinine et de l’INR
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Surveillance biologique du traitement anticoagulant | SelectAfficher> |
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La surveillance biologique du traitement anticoagulant repose essentiellement sur 2 examens:
INRActivité anti-XaLa mesure de l’activité anti-Xa consiste à mesurer la capacité des médicaments anticoagulants possédant une activité anti-Xa à inhiber le facteur Xa et, par suite, la coagulation. L’activité anti-Xa est utilisée lors des traitements antithrombotiques mettant en jeu des médicaments possédant une activité anti-Xa spécifique (comme c’est le cas par exemple pour le fondaparinux et les héparines de bas poids moléculaire). La mesure de l’activité anti-Xa n’est en général pas recommandée en prophylaxie et est réservée à certaines circonstances cliniques (patient insuffisant rénal, sujet âgé, femme enceinte, sujet de poids écarté des normes).
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Anti thrombotiques et grossesse | SelectAfficher> |
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Femmes recevant des AVK au long cours et désirant une grossesseVoir rubrique AVK Traitement de la maladie thromboembolique veineuse pendant la grossesseL’héparine non fractionnée ne traverse pas la placenta. Les recommandations internationales autorisent l’emploi de l’héparine de bas poids moléculaire.
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Quand faut-il consulter un médecin? | SelectAfficher> |
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L’incidence des hémorragies fatales sous AVK est estimée entre 0,4 et 0,8%, celles des hémorragies majeures entre 1,2 et 7%
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Anne-Sophie DELEPOULLE (Dr en Pharmacie)
Dernière modification le: Sep 20, 2021 @ 15h17