La douleur est parfois utile car elle sert de signal d’alarme et permet d’aider le praticien à en trouver la cause, mais si elle persiste, cette douleur est dévastatrice et nocive.
Qu'est-ce que la douleur? | SelectAfficher> |
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L’Internationnal Association for the Study of Pain (ISAP) décrit la douleur comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à des lésions tissulaires réelles, potentielles ou décrites en des termes évoquant de telles lésions ». La douleur est parfois utile car elle permet d’informer le patient d’un dysfonctionnement et d’aider le praticien à en trouver la cause. La douleur peut être aiguë ou chronique.Lorsqu’une douleur se chronicise (au delà de 3 à 6 mois), elle devient une maladie en elle même, avec des mécanismes divers. Cette douleur est dévastatrice et nocive. Près d’un européen sur 5 souffre de douleurs chroniques (20% de la population).
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Les différents types de douleur | SelectAfficher> |
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Il n’existe pas une, mais des douleurs… Il est important de les différencier car toutes les douleurs ne se traitent pas de la même façon Douleurs nociceptives ou douleurs inflammatoiresLes douleurs nociceptives sont les douleurs les plus fréquentes. Elles sont provoquées par un excès de stimuli au niveau des terminaisons nerveuses des tissus cutanés, musculaires, articulaires et viscéraux. Ce message douloureux est transmis par des nocirécepteurs qui sont des fibres spécifiques des nerfs (fibres C et A delta). L’activation des terminaisons périphériques se fait par l’intermédiaire de médiateurs libérés à proximité des récepteurs. Ainsi: les lésions tissulaires peuvent entrainer la libération des d’ions H+ et K+ qui activent directement les nocirecepteurs. L’inflammation sensibilise les récepteurs aux ions H+ et K+ par libération des prostaglandines, leucotriènes et bradykinine Les nocirécepteurs peuvent également libérer de la substance P qui les auto active. Ils peuvent enfin provoquer la dégranulation des mastocytes, libérant histamine et sérotonine qui sont eux-mêmes des facteurs d’activation des nocirécepteurs. Douleurs neurogènes ou neuropathiques anciennement appelées douleurs de désafférentationLes douleurs neurogènes touchent 6,9% de la population. Elles sont provoquées par une atteinte des voies nerveuses périphériques (nerfs, ganglions) ou central (moelle épinière, cerveau). Différents neuromédiateurs ou neuromodulateurs interviennent: les enképhalines agissent sur les récepteurs opioïdes mu au niveau présynaptique des fibres A delta et C en bloquant la libération de substance P, ce qui inhibe la transmission du message nociceptif. D’autres médiateurs peuvent intervenir au niveau médullaire: somatostatine, L-glutamate… Les douleurs neuropathiques comprennent des douleurs spontanées (sensations de décharges électriques, de brulures, d’élancements ou de crampes), des douleurs provoquées associées ou non à des paresthésies (fourmillements, picotements, démangeaisons ou engourdissements). Les causes sont multiples. L’atteinte du nerf périphérique peut être d’origine infectieuse (zona), traumatique (douleur du « membre fantôme » dans le cadre d’une amputation), tumoral, diabétique ou mécanique (syndrome du canal carpien). L’atteinte du système nerveux central concerne la moelle épinière et les vertèbres (traumatisme médullaire, AVC) ainsi que le cerveau (AVC ischémique ou hémorragique, tumeur, abcès). Ces douleurs ne répondent pas ou très peu aux antalgiques usuels et en particulier aux AINS. Douleurs mixtesCes douleurs associent les douleurs nociceptives et les douleurs neurogènes. Douleurs dysfonctionnellesDouleurs observées en l’absence de lésions repérables, parfois dites « psychogène ». Ces douleurs sont réelles et doivent être prises en charge au même titre que les autres douleurs. Comment déterminer la nature de la douleur?Une douleur pulsatile, battante, avec des élancements a souvent une origine inflammatoire Une douleur en éclair évoque une lésion nerveuse Une douleur à type de crampes ou de coliques fait évoquer une étiologie viscérale
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Contrôle et évaluation de la douleur? | SelectAfficher> |
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Comment la douleur est-elle contrôlée?La perception de la douleur (nociception) au niveau de la moelle osseuse est inhibée par les fibres afférentes A alpha et bêta, à l’origine des sensations tactiles légères. C’est ce qui justifie l’utilisation de la neurostimulation de faible intensité dans le traitement de la douleur. Les voies descendantes inhibitrices d’origine supraspinales sérotoninergiques et noradrénergiques permettent la libération d’endorphines, ces hormones naturelles qui calment la douleur Evaluation de la douleurEvaluation de la douleur Une douleur est classée sévère si elle est supérieure ou égale à 10. L’intensité de la douleur est notée par le patient grâce à une échelle de visualisation analogique EVA Le choix et les modalités (posologies, voie et rythme d’administration) du traitement antalgique dépendent essentiellement du mécanisme algogène en cause, de l’intensité de la douleur évaluée par le malade, si possible à partir de l’échelle standardisée et des contre indications propres à chaque produit. L’évolution de la note permet de vérifier que le traitement antalgique est adapté. Douleur chez l’enfantIl est démontré que, dès sa naissance (et même avant, au stade de fœtus), l’enfant est susceptible de ressentir la douleur. S’il possède les récepteurs et les systèmes de transmission de la douleur, ses mécanismes physiologiques de contrôle de la douleur sont immatures et ses fonctions cognitives sont encore insuffisantes pour lui permettre d’analyser sa douleur. Mais, malgré cela, communiquer avec lui est primordial. L’un des pièges à bien connaitre est qu’un enfant qui souffre demeure muet, tout particulièrement lors de douleurs envahissantes et prolongées l’enfant peut être paradoxalement trop calme et son atonie psychomotrice peut même faire croire, à tort, qu’il est dépressif. Cela peut être notamment le cas, dans les affections cancéreuses, d’autres maladies chroniques douloureuses ou encore au cours de certaines situations post-chirurgicales. Comment évaluer la douleur chez l’enfantQuelques échelles actuellement utilisées (disponibles sur www.pediadol.org ) :
Il faut savoir que la quantification de la douleur ne se développe qu’entre 5 et 6 ans, et qu’entre 4 et 6 ans l’enfant va avoir tendance à choisir entre les deux extrêmes de l’échelle, immergé dans un système binaire « je n’ai pas mal/j’ai mal ». Certains spécialistes pensent actuellement que l’autoévaluation ne serait fiable qu’à partir de 8 ans.
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Conseils pour éviter les douleurs et conseils en cas de douleur | SelectAfficher> | ||
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Comment éviter la douleur chez les tout petitsUn grand principe : l’information est un droit de l’enfant, comme de l’adulte, et une obligation du professionnel de santé. Il est toujours important de parler à l’enfant, même nouveau-né car cela permet d’être en relation avec lui, d’une voix calme et douce. Plus l’enfant est jeune, plus la douleur peut être pour lui une agression incompréhensible. En prévention de la douleur liée à certains gestes inconfortables (vaccinations, prises de sang, retrait de pansement, toilettes délicates…), les recommandations des sociétés savantes préconisent l’usage des solutions sucrées, la succion de tétine et l’allaitement maternel lors de la réalisation de gestes douloureux courants chez le nouveau-né et le jeune nourrisson. L’efficacité des solutions sucrées, comme le saccharose ou le glucose à 24 à 30 % à une dose variant avec le poids, est aujourd’hui bien établie jusqu’à l’âge de 4 mois. Afin d’avoir un effet antalgique maximal, il est recommandé d’attendre 2 minutes après l’administration, toujours dans la bouche, de la solution sucrée avant de commencer un geste douloureux, comme une injection de vaccin, le changement d’un pansement ou une prise de sang au talon par exemple. L’effet dure au maximum 5 à 7 minutes. Le fait de proposer simultanément une tétine à sucer renforce l’effet antidouleur. On peut sans risque et en cas de besoin répéter cette opération 6 à 8 fois par jour chez le nouveau-né et 4 fois chez le prématuré. Les troubles du métabolisme du fructose et du saccharose sont la seule contre-indication. Les tout-petits peuvent bénéficier d’une crème anesthésiante (Emla® crème ou Emla® patch), disponible sur ordonnance. Le pansement doit être appliqué au moins une heure avant, et l’anesthésie obtenue persiste 1 à 2 heures. Le nombre de pansements adhésifs cutanés à appliquer dépend de la surface à traiter et aussi de l’âge de l’enfant, 1 g correspondant à 10 cm² de peau. De la naissance à 3 mois, la dose maximale est de 1 g, à ne pas renouveler avant 12 heures, entre 3 à 12 mois 2 g, soit deux patchs à la fois. Attention, risque d’intoxication (methémoglobinémie) en cas de surdosage… Il ne faut pas les appliquer sur l’œil ou à proximité en raison d’un risque d’irritation. La prudence s’impose aussi chez les enfants atopiques (allergiques). Chez l’enfant, préférer le paracétamol en première intention. En cas de recours aux antalgiques de palier 2, utiliser le tramadol à partir de 1 an. La codéine est devenue contre indiquée depuis 2013 en raison de risques de décès. Son utilisation n’est autorisée chez l’enfant qu’à partir de l’âge de 12 ans. GrossesseLe seul médicament pouvant être utilisé sans risque durant toute la grossesse est le paracétamol Tous les AINS sont contre-indiqués chez la femme enceinte à partir du début du 6 ème mois et pendant toute la période d’allaitement. Parmi les antalgiques de palier 2, la codéine doit être préférée, quelque soit le terme de la grossesse. En cas d’inefficacité, on peut avoir recours au tramadol Parmi les antalgiques de palier 2, la morphine doit être préférée. Elle peut être utilisée au cours du premier trimestre de grossesse pour traiter une douleur durant quelques jours ou quelques semaines sans craindre un risque tératogène. En fin de grossesse, si la durée du traitement est supérieure à une semaine, la posologie de la morphine sera progressivement diminuée pour éviter un syndrome de sevrage chez le nouveau-né. AllaitementEn cas d’allaitement, il faut éviter tout antalgique et privilégier les traitements non médicamenteux ou l’homéopathie. Si les mesures sont insuffisantes, le paracétamol seul ou associé à l’ibuprofène sont les molécules qui offrent le plus de recul mais à condition de les prendre à la dose minimale efficace Pour les douleurs plus intenses, la morphine doit être préférée en suspendant momentanément l’allaitement jusqu’à élimination de la molécule Ne pas prendre de codéine en cas d’allaitement en raison du risque pour le nouveau-né Le point sur la revue Prescrire
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Traitement
Traiter les douleurs par cryothérapie | SelectAfficher> |
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Les bienfaits de la cryothérapie ont été démontrés depuis la fin des années 1970.On expose le corps entier sauf la tête à des températures très froides pouvant atteindre -195°C pendant 2 à 3 minutes. Le patient porte un masque et ses extrémités sont protégées (port d’un masque, gants, chaussettes). Le corps supporte très bien ce froid car il s’agit d’un froid sec et sans courant d’air.Les doses de froid sont adaptées à chaque individu.En réalité les patients passent par 3 salles, l’une à -10°C, une deuxième à -60°C et une troisième à -110°C.Le patient reste en contact visuel et sonore permanent avec l’opérateur. La séance doit rester confortable et ne doit pas être douloureuse. Des cures sont proposées à raison d’une à deux séances par jour. Les effets physiologiques, mécanisme d’actionL’abaissement de la température cutanée (qui descend environ à 15°C pendant les séances), apporte des modifications physiologiques qui sont bénéfiques pour les douleurs et la récupération musculaire et physique:
Les indicationsAu départ, la cryothérapie s’est fortement développée dans le milieu sportif pour améliorer la préparation ainsi que la récupération physique. La cryothérapie agit sur l’inflammation et la cicatrisation tissulaire, ce qui lui donne toute sa légitimité aussi dans le cadre des rhumatismes inflammatoires ( Spondylarthrite ankylosante, Polyarthrite rhumatoïde, Fibromyalgie, Arthrose, algodystrophie, Sclérose en plaques…) Elle soulage en effet les douleurs, améliore le sommeil et la récupération et diminue le syndrome dépressif.
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Traiter les douleurs par oxygénothérapie | SelectAfficher> |
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Dans la prise en charge de la douleur de certaines pathologies comme les algies vasculaires de la face (AVF): L’oxygène pur, administré précocement atténue considérablement en moins d’un quart d’heure les crises d’algies vasculaires de la face. JAMA; 302(22) : 2451
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Soigner la douleur par apipuncture | SelectAfficher> |
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Le venin d’abeille est déjà utilisé couramment en homéopathie (Apis mellifica).Secrété par les glandes caudales des abeilles ouvrières, le venin d’abeille est bactéricide, bactériostatique, fongicide, antibiotique, anti-inflammatoireLe venin d’abeille est utilisé pur, sous contrôle médical chez les patients atteints de sclérose en plaque, de pathologies rhumatismales invalidantes ou même de cancer. L’apipuncture consiste à faire piquer un malade sur des points d’acupuncture définis préalablement. La mélitine, principal composant du venin d’abeille, est 100 fois plus anti-inflammatoire que l’hydrocortisol
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Quand faut-il consulter un médecin? | SelectAfficher> |
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Voies de recherche sur la douleur | SelectAfficher> |
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Peptides (mambalgines) issus de venin de serpent mamba noirDes chercheurs de l’équipe d’Eric Lingueglia ont isolé le principe actif qui semblait responsable du blocage d’ASICs (Acid sensing ion channels), généralement considéré comme l’une des principales « voies » de la douleur ( récepteurs impliqués dans la sensation douloureuse, en bloquant les canaux ioniques). Ce principe actif, extrait du venin de mamba contient de très faibles quantités de trois peptides, baptisés mambalgines 1 et 2*. Testés sur des souris et des canaux ioniques humains in vitro, ces peptides permettent de diminuer efficacement la douleur, sans complications majeures (aucune détresse respiratoire n’a notamment été constatée chez les rongeurs). La morphine, un jour sans effets secondaires ?La morphine qui mime l’action des endorphines naturellement secrétées par notre cerveau, est utilisée depuis plusieurs siècles pour soulager les douleurs intenses. Ses propriétés antidouleur sont toutefois accompagnées d’effets secondaires importants. Une équipe de chercheurs (Inserm/CNRS/Universités de Montpellier 1 et 2*) vient de comprendre comment ces effets secondaires pouvaient arriver en étudiant la structure 3D des récepteurs aux opioïdes. Ces récepteurs sont malléables et selon la conformation qu’ils prennent, peuvent engendrer plus ou moins d’effets secondaires. Le but des prochaines recherches est de trouver de nouvelles molécules, capables de les activer sans entrainer une conformation induisant ces effets secondaires…. *Communiqué de presse du CNRS du 22/03/2012 Les idenkIl se pourrait qu’il s’agisse d’une nouvelle classe d’antalgique. Ces molécules (inhibiteurs doubles d’enképhalinases) agiraient en bloquant l’action des enzymes à l’origine de la destruction quasi immédiate de nos enképhalines (sorte de morphine naturelle synthétisée par notre corps). Les premières études sont prometteuses car ces molécules ne présenteraient pas les effets secondaires de la morphine et qu’elles étaient bien tolérées. OpiorphineL’Opiorphine est une molécule isolée de la salive humaine qui possède un mécanisme d’action complètement différent de celui de la morphine; elle bloque la dégradation des enképhalines, uniquement où leur production est importante (médiateur hormonal), c’est à dire sur les voies nociceptives, lorsqu’elles sont activées par des stimuli douloureux. Cette molécule s’avère aussi puissante que la morphine et ses effets secondaires sont bien moindres. Elle a en outre la même efficacité que l’imipramine, un antidépresseur présent sur le marché, sans ses effets secondaires. Douleur et dépression étant souvent liées, les scientifiques ont l’espoir de pouvoir élaborer sur la base de cette molécule un médicament qui pourrait traiter à la fois les deux types de syndromes. Des essais cliniques avec la forme stabilisée STR-324 sont prévus fin 2017. *Communiqué de presse de l’Institut Pasteur
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Anne-Sophie DELEPOULLE (Dr en Pharmacie)
Dernière modification le: Sep 20, 2021 @ 15h17